mardi 7 août 2012

Sabine Steffan ou comment arrondir ses fins de mois

Je tombe aujourd'hui sur le site de Sabine Steffan qui propose des cours, des stages, des master class, qui a acheté le nom de domaine art-opera.com, qui en a un autre à son nom , qui clame de très bonnes intentions ("servir la musique et non s'en servir"), mais le hic, c'est la grosseur du business par rapport à la biographie, et les prétentions de la biographie par rapport à la réalité.

"Primée par plusieurs médailles d’or et mentions d’excellences lors du passage de ses diplômes elle se perfectionnera à Modène auprès du Maestro Pola, (maître de Pavarotti et de Mirella Freni) qui la conduira au niveau international.

Sacrée meilleur jeune talent Italien, elle sera reconnue par les critiques internationaux comme « une des grandes sopranos françaises »."

Lorsqu’elle revient en France en 1994, c’est pour travailler avec Madame Cadet de l’Opéra de Paris qui va l’aider à se former à la discipline de l’art de la Mélodie Française. C’est à cette époque que commence sa carrière internationale de concertiste.

Elle s’exprime à présent en Europe, en Amérique du sud, en Amérique centrale … et s’oriente avec enthousiasme vers de nouveaux horizons.

Pourtant quand on veut regarder l'actualité, les dates, on tombe sur : 

 
Sabine Steffan, disciple du légendaire art vocal italien est l’une des grandes sopranos françaises actuelles.
Elle obtient avec succès plusieurs médailles d’or et des mentions d’excellence lors du passage de ses diplômes et concours d’art lyrique au conservatoire international de parme.

Sabine Steffan poursuit une carrière internationale de concertiste, elle se produit au travers de récitals, concerts et festivals dans le monde entier. Reconnue par ses pairs, elle est sollicitée en tant que jury de concours de chant internationaux.

Sabine Steffan offre au public avec générosité et passion la pureté de son art et sa recherche d’absolu.

N'importe quel chanteur potable peut se débrouiller pour organiser et chanter dans des récitals humbles partout où on n'y connaît pas grand chose. Cela ne signifie pas une carrière internationale.
Par contre art-opera.com, ça a l'air de vouloir un sacré business.

Voilà un bon exemple de ce sur quoi il ne faut pas se monter la tête quand on débute, ou quand on débarque et qu'on veut progresser avec des pros. "Une des grandes sopranos françaises" a autre chose à faire que proposer des stages et des chambres sur un site.

Donc une biographie insistant bien sur les 3 ou 4 succès d'époque, et qui vanish le reste. On devine bien l'artiste dans la pente qui doit payer ses factures. Ce qui, biensûr, n'a rien de critiquable. PAr contre ce qui l'est, c'est de se prétendre au-dessus de ce que l'on est et de falsifier ainsi la valeur du grand chant et de son apprentissage aux néophytes. Les journaux locaux vont transmettre l'information de tel ou tel petit concert et affubler l'article de copier-coller du site... on retrouve donc les tirades sur la carrière internationale.

Oui car ceux qui s'y connaissent ne s'y trompent pas... Il n'y a qu'un morceau de Sabine Steffan sur son site et sur Youtube, on en déduit que c'est son meilleur, et ça n'est pas du niveau de choriste... mais ça trompe celui qui n'a pas encore l'oreille formée. 

Madame Steffan fait un très beau Mi bémol oui, pour attaquer son Ave Maria mais c'est tout. Fausses notes sur demi-ton,  absence de couleur, de nuance, d'interprétation, et alors après les 2:00 ... ça part carrément en cacahuète, retards, aigus sortis des joues et poussés, aïe aïe aïe. Non ce n'est pas tolérable de lire ce que lit et d'écouter ce qu'on écoute ici.

N'oubliez pas que les meilleurs professeurs n'ont pas besoin de se faire de la pub, et de trop parler.
Mieux vaut un professeur qui n'a pas fait grand chose, mais a une technique juste et l'humilité de vous rediriger ensuite.


Ecoutez. J'ai déjà entendu mieux sur des CD de Noël des éditions Atlas.



NB : je viens de tomber sur un autre morceau qui me fait réellement poser des vraies questions.... 
Un site qui parle d'un CD de Mme Steffan, (aucun CD de Mme Steffan n'est trouvable sur Amazon, chose qui va mal avec les qualités et la carrière qu'elle vante sur ses sites) vantant presque le talent qu'il faut pour enregistrer des airs d'opéra avec piano plutôt qu'orchestre (alors qu'on sait très bien qu'il faut être produit par une maison qui peut se permettre de payer un orchestre à un artiste qui va rapporter, c'est tout) 

"Si l' artiste a la chance d'être accompagnée par un excellent orchestre, la partie est à moitié gagnée !

Pourtant Sabine Steffan, n'a pas hésité à enregistrer un Cd de grands airs d'Opéras Italiens, uniquement accompagnée d'un piano. L'exercice est suffisamment périlleux pour qu'on salue l'audace et la réussite d'une telle prestation.

Car il s'agit bien d'une réussite !"

Ensuite le monsieur (ou la madame) en question, se permet même de comparer les interprétations à celle de Bartoli ou Callas...  Je clique pour écouter "Ebben ne andro lontana" de la Wally, et là c'est le drame.... Est-ce une farce que ce site? Un complot commercial? Ce monsieur (ou cette dame) n'a-t-il pas d'oreilles? 

Je vous laisse juger : la version Sabine Steffan, plate, ou des notes sont zappées, ainsi que les appogiatures t où l'aigu est faux d'un demi-ton.

Cliquez là :    (non le gif ne vient de nous, mais du site)


La version que je préfère, Cristina Gallardo, pas besoin d'être Karajan pour voir que ce n'est pas le piano, ou la qualité du son qui disqualifie la version Steffan.



“Sabine Steffan non ha una voce, è una voce”
L. Pavarotti

.........

Une bonne Turandot est une Turandot qui ne hurle pas

Suite à mon dernier article sur Turandot à Vérone 2012, je vous propose un extrait du Turandot de la Scala de Milan en 2002, chanté (je dis bien chanté, puisque je reproche à 90% des Turandot de hurler) par Alessandra Marc. Garder une ligne aussi fluide, mélodique, tout en finesse dans le rôle de Turandot est ce qui sépare les artistes des brailleurs.





A comparer avec une brailleuse, Lise Lindstrom, d'ailleurs trop jeune pour le rôle.
Le rôle demande le volume, l'endurance et la puissance d'une vraie soprano dramatique
.




Volontairement, après ces deux comparaisons, je vous laisse écouter le top, et là, vous comprendrez vraiment la différence, et bénirez la vieille école :) , celle où on ne faisait pas chanter ceux qui "peuvent" mais ceux qui transcendent.

Birgit Nilsson

AMO - ArenaMuseOpera : un musée de l'opéra ouvre à Vérone

Autre point notable de notre séjour à Vérone, un musée destiné à l'opéra ! Plus particulièrement à l'opéra dans les arènes de Vérone. Cela n'a pas rendu la visite moins intéressante, au contraire !

Le musée à ouvert le 23 juin 2012, dans les murs du Palazzo Forti qui abritait une galerie d'art moderne. Il a été conçu sous la direction de Kikka Ricchio, directrice créative de Musicart, qui fait la promotion de la culture musicale mais pas seulement.

Le billet est à 10 euros, ou 5 euros sur présentation de votre ticket d'opéra dans les arènes.
Cela vaut vraiment le coup.

L'AMO a pour but de faire découvrir et mettre en valeur la culture de l'opéra italien. Pour cela, sont exposés de nombreux documents exceptionnels, présentés ludiquement ; partitions manuscrites, lettres, notes de grands compositeurs, mais aussi costumes, croquis de décors, photos...

J'ai été pour ma part très ému de voir une lettre de Verdi dans laquelle il explique en précision ce qu'il attend de la chanteuse qui chantera Amneris. Cela a renforcé la conviction chère à mon coeur, que l'on ne peut pas faire n'importe quoi sur scène et que la priorité est de servir l'oeuvre telle que le compositeur l'a voulu.

En entrant, on traverse une forêt peinte par Adolf Hohenstein, du Falstaff de 1983 du Teatro della Scala.

Le musée propose une visite en 7 clés essentielles, dans 15 salles : 

  • Le libretto : le premier travail est l'écriture du texte, on y voit des originaux
  • La partition : le compositeur écrit la musique pour le texte en question, des originaux de Puccini et Verdi entre tant d'autres
  • Les croquis : esquisse de décors, Aida, Rigoletto, Tosca...






  • Les décors : des anciens décors d'Aida, monumentaux








  • Les voix : une petite salle de cinéma aménagée dans un salon du palais nous passe les plus grands airs des plus beaux opéras filmés dans les arènes de Vérone. On est saisi, on entend parfaitement, et on se rend compte de l'excellence des artistes. 



  • Les costumes : pour finir, ils sont éclairés à merveille, et l'on voit bien, de près, que ce sont des oeuvres, et pas de la chiffonnette. 

Costumes de Ping Pang et Pong (Turandot)



Le directeur des arènes de Vérone, Francesco Girondino est heureux : "ce sera le premier musée du monde entièrement dédié à l'opéra".

La plupart des objets exposés proviennent de la collection privée de la famille Ricordi, librettistes et surtout éditeurs musical depuis des génération.


Pour passer un moment calme, bercé des plus beaux morceaux du monde, nourri de lettres, notes et dessins, c'est ici.

http://www.arenamuseopera.com/



"Turandot" aux arène de Vérone 2012

Nous étions à la première ! Nous avons vu toute la journée les décors monumentaux se mettre en place, autour de l'arène, insérés par des grues ! Ça promettait !





Le soir venu une belle ambiance, était là. Il faisait chaud, le ciel était parfait. Lorsque vous êtes placés dans les "stalls", le dress code est strict : tenue de soirée/cocktail. Bref, ici on tient à ce que l'on s'habille bien pour venir à l'opéra.



La représentation a commencé à l'heure. Ce soir là, les magiciens étaient les suivant :

DIRECTION MUSICALE
Andrea Battistoni

MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHE
Franco Zeffirelli

COSTUMES
Emi Wada

CHORÉOGRAPHIE
Maria Grazia Garofoli

LUMIÈRE
Paolo Mazzon


Carlo Ventre
Nous pensions que sans non plus coller des micros aux chanteurs (pratique faussant les voix, et ne permettant pas une comparaison équitable des capacités des artistes), il y aurait des micros le long de la scène pour amplifier le volume général, mais non, c'était du 100% nature.
Et c'était un peu dur pour les oreilles, en effet, du 15ème rang bien en face, ce qui correspond à la première moitié proche de la scène, le volume était insuffisant, et la musique ne nous pénétrait pas. Cela tend à transformer l'opéra en spectacle musical et théâtral. Je pense que la musique doit être appréciée à un certain volume minimal pour faire vibrer notre être, c'est sensoriel et physiologique.


Amarilli Nizza
Le Calaf, Carlo Ventre le ténor uruguayen, un bon ténor qui fait bien son boulot, très bien même. Mais ses aigus se perdaient un peu dans le vide, et ne nous atteignaient pas comme le ruban vif et net qu'une voix doit être.
 
Liù, Amarilli Nizza, la milanaise,qu'on aurait eu beaucoup de mal à imaginer en pure et dévouée Liù, mais qui a tenu le rôle avec perfection, et surtout, avec une grande finesse. Son son a percé les coeurs. Voilà une femme qui prouve qu'elle sait endosser un personnage à l'opposé.


Giovanna Casolla
Et enfin Giovanna Casolla, qui nous a mitigé dans sa Turandot. Turandot, allias "le tombeau de la voix" est un rôle très difficile à chanter. CHANTER. C'est pourquoi beaucoup le hurle (comme récemment Lise Lindstrom à Orange... ). Giovanna Casolla a hurlé beaucoup de passage, et façon pas terrible puisque sa technique était dévoilée aux oreilles de tous par un hoquêtement d'attaque au début de chaque phrase. Forcément, avec ce traitement, la redescente aux mediums était très faible et inaudible (comme Lise Lindstrom à Orange). Cependant, dans les passages calmes et aigus, on entendait la très jolie voix de Mme Casolla. A propos, Mme Casolla a 67 ans ! Ce qui malgré tout force le respect. De plus donner (ou prendre) Turandot avant 40 ans, est bêtise et orgueil (comme Lise Lindstrom à Orange) car c'est un rôle pour un soprano dramatique plus qu'à maturité. Et pour ma part, je me fiche des jeunes chanteurs qui ont la grosse tête de voir cela comme un défi. L'opéra n'est pas un défi pour sa propre tronche, mais un honneur vis à vis des volonté d'un compositeur.
Ce qui m'a marqué dans la mise en scène, c'est le manque d'émotion, de geste, d'amour.
Le choeur très nombreux est chorégraphié dans le moindre détail et rend une masse fabuleuse, mais les personnages principaux... sont raides, font des gestes de bras... Le fameux baiser était affreux. Comme si les artistes étaient coincés devant un pupitre plus ou moins mouvant, ils ne vivaient clairement pas leur personnage. Ces personnages étaient sans personnalité.
Le tant attendu "Nessun Dorma" a été interprété avec brio par Carlo Ventre. Si bien, que les applaudissements n'ont même pas laissé l'orchestre finir le morceau, ce que je trouve très irrespectueux pour ces magiciens cachés dans la fosse.
Et là... "BIS !! BIS !! BIS!!", le public en voulait encore. Est-ce l'effet post-Alagna? Le fait de faire toutes les notes de Nessun Dorma est-il un exploit à présent? Je crois que oui. Moi il m'en aurait fallu plus, plus de tripes, plus de vibrant, j'aurais voulu que Carlos Ventre soit Le Calaf avec tout ce que ça implique.
Ils ont rejoué l'air. Et j'ai vu que les gestes de M. Ventre étaient exactement les mêmes. Pas de place à l'instinct.


Les décors et la dynamique générale auront été spectaculaire. Ca oui. Les costumes également. Une perfection. Bravo.
L'artiste la plus acclamée ce soir aura été Amarilli Nizza pour sa Liù. Comme quoi ce n'est pas forcément le rôle le plus long, le plus difficile et le plus présent sur scène qui peut marquer les coeurs, mais celui interprété avec le plus de sensibilité et de finesse. La voix de Nizza était comme un fil d'argent perçant la nuit au dessus des envolées de violons.

La soirée a été magique, et l'envie de revenir est là. Mais dans les tous premiers rangs, c'est sûr!





mardi 31 juillet 2012

Bye bye Alagna suite....Il en rajoute une couche

(voir précédent article sur le fiasco de Roberto Alagna dans "Turandot" à Orange)

Les critiques sont dures... Et Alagne se plaint, se défend. Les gens et la presse sont méchants, et l'enfoncent au lieu de l'encourager.



Dixit :

« Je sais que je prends un risque énorme, mais je suis comme ça, je ne lâche jamais. »

« Je ne comprends pas cette déferlante de méchanceté.

Le ton monte et sa voix se casse sous l’émotion des propos lus sur internet qu’on lui rapporte. « Des gens disent que je suis fini, que Turandot n’est pas un rôle pour moi. Je ne comprends pas cette déferlante de méchanceté. Ils devraient dire le contraire, du genre “pourquoi il ne se repose pas ?” J’ai toujours été là à donner le meilleur de moi, même diminué. Quand après l’ablation d’un kyste en 2007, les médecins m’ont interdit de chanter, j’ai fait Trouvère à Orange… »



Si M. Alagna ne comprend pas, c'est qu'il a sans doute confondu Star System et Opéra, qui est un art d'une exigeance sans limite.

Se vanter de prendre des risques pour assurer un rôle alors que les médecins ont interdit de chanter est pathétique, relève d'un orgueil pathologique (et certainement pas d'un amour du public ou de la musique). Alors que M. Alagna assume ses choix en silence, et cesse de se plaindre des réactions d'un public et d'une presse qui a des attentes légitimes.

Qu'on cesse de nous prendre pour des billes, les histoires de cachats et d'assurance y sont pour gros.


M. Alagna, oui, allez vous reposer, et ne détruisez pas ce qui vous reste d'intégrité pour si peu. Oui, si peu. A 50 ans, il n'est pas trop tard pour envisager une carrière basée sur l'élitisme et l'excellence, et non plus sur le culte de vous-même et de ce que vous pensez être votre réussite. 

Et ce n'est sincèrement pas de la méchanceté, mais de la consternation.

A qui cherche-t-on à plaire, c'est une question très importante quand on voue sa vie à l'art lyrique.

lundi 30 juillet 2012

Bye Bye Roberto Alagna

La presse l'attendait au tournant, elle lui tombe dessus dès la première soirée de Turandot à Orange...

>> Le Figaro : Roberto Alagna vaincu par Turandot
>> Le Point : Un "si" de trop
>> Nouvel Observateur : Alagna retrouvera t'il sa voix pour France 3

Franco-sicilien, belle gueule, assurance, autobiographie à 44 ans, prestance, un poulain parfait pour l'opéra français, qui trouve là le parfait marketing-man qui rapporte. La blague.



Roberto Alagna vient de passer ces dernières années à hurler, rouge comme une baudruche. Tout ceux qui avaient conscience de ça, tout ceux qui s'y connaissent en technique vocale correcte, le savaient : un jour, ça allait arriver, trop tôt.

Pavarotti de son vivant, l'avait prévenu de ne pas accepter trop vite des rôles trop lourds pour lui.
"Je sais ce que je fais." Et voilà. La destinée fatale des chanteurs de nos jours... On les pompe, ils ont la grosse tête, ils prennent, ils forcent, ils jouissent d'un Star System qui s'éloigne de la valeur réelle du grand chanteur, puis un jour ça claque. Et on les enterre. Comme Nathalie Dessay... qui a annoncé qu'elle allait passer à autre chose, école de clown et yoga... ? Oui, après avoir tiré de la mauvaise façon sur sa petite voix, pour impressionner la terre pendant 4 ans, puis développer des nodules sur les cordes vocales, se faire opérer etc...

On lit sur Wiki ;

"Mais en ce qui concerne réellement sa technique vocale hormis l'enseignement de Mr Ruiz, cela reste un peu dans le flou, peut être volontairement, étant donné que sa façon de chanter est quasi identique "techniquement" à celle de Luciano Pavarotti avec certes une couleur et une hauteur de voix différente."

Really? Vous avez déjà vu Pavarotti forcer sur scène? Devenir tout rouge avec veines du cou qui ressortent?  Pavarotti c'est léger, solide, illimité, aérien, posé. Alagna c'est forcé, lourd, agressif.

Dès le fiasco, Alagna se justifie sur son site :

Mes Chers Amis,

Depuis quelques jours je sens les passions se déchainer autour de ma prise de rôle de Turandot. Je tenais d'abord à remercier tous ceux qui me soutiennent dans cette aventure et à rassurer aussi toutes les "Cassandre" qui prédisent depuis des années ma fin avec une violence incompréhensible.
Je pense qu'il ne faut jamais répondre à la violence et je crois qu'on devrait avoir la dignité de se taire lorsqu'on ne sait pas. Ayant subi un lourd traitement aux antibiotiques pendant plus d'un mois en raison de pose d'implants dentaires en mode accéléré vu mon planning, j'ai développé une mycose à partir de la base de la langue jusqu'au tube digestif. Les cordes vocales sont saines mais elles subissent l'effet de cette mycose qui, en sécrétant, empêche les cordes de vibrer correctement. Je suis actuellement sous traitement "Fungizone" pour 12 jours (comme un bébé ayant du muguet !). Dans ces conditions, vous pouvez imaginer la difficulté d'une telle prise de rôle aux Chorégies d'Orange. Je n'ai pas voulu annuler car je tenais absolument à vous faire plaisir et à me faire plaisir.
Le rôle est lourd, c'est vrai, mais je peux vous assurer que je m'y sens curieusement plutôt à l'aise. J'espère avoir un jour la possibilité de l'interpréter au top de ma forme. Comme vous le savez, je suis quelqu'un qui ne baisse pas facilement les bras et mon intégrité d'artiste m'oblige souvent à repousser mes limites au maximum. Comme hier soir où je voulais être remplacé après le 2ème acte, hélas, il n'y avait personne pour cela. Le spectacle aurait pû être interrompu sans remboursement du public puisque le 1er acte était passé, et tous les artistes ainsi que moi-même rémunérés.
J'ai continué pour vous et je pense que montrer aussi des moments de faiblesse est parfois un grand et vrai moment de théâtre.
J'espère pouvoir récupérer pour la dernière représentation....
Je vous embrasse,
Roberto

Blablabla, certes, mais... M. Alagna, vous étiez au courant de la condition de votre gorge et des risques, et oui "nous imaginons la difficulté d"une telle prise de rôle", mais le "je n'ai pas voulu annuler car je tenais absolument à vous faire plaisir" , nous n'allons pas gober celle-ci... M. Alagna, on monte sur scène pour faire honneur à un compositeur et être digne d'un rôle. On monte sur scène pour la magnifier, y apporter sa touche d'âme. Ceci vis-à-vis de la musique...

Mais vis-à-vis d'un public, qu'on aime et qu'on respecte, on monte sur scène pour les combler et les surprendre toujours.
Pensez-vous vraiment que vos aléas personnels justifient un fiasco scénique. Ce n'est pas digne d'un grand, M. Alagna. Un grand sait gérer sa voix, son planning, ses montées sur scène.

Il est absolument intolérable de monter sur scène sachant qu'on risque de ne pas assurer. Ceci fait la différence entre un grand chanteur et un produit marketing.

De plus M. Alagna, vous traitez de Cassandre les personnes qui vous attendait au tournant. Comment expliquez-vous que ces gens savaient ce qui allait vous arriver un jour ou l'autre? Je ne vous souhaite que la sagesse de retourner dans le bon chemin, loin de l'orgueil et des contrats de vache à lait.

Oui nous sommes durs, et c'est en l'étant que le métier incroyable de chanteur d'opéra peut rester d'une exigence et d'une excellence absolue.

lundi 11 juin 2012

RARE : interview de Montserrat Caballe par Frédéric Mitterand, 1990

Montserrat Caballe explique comment sa carrière a démarré, à l'Opéra de Basel en Suisse.
Avec son grand sourire et son coeur sur la main, toujours un plaisir d'écouter Montserrat parler d'elle et du métier, un point de vue tellement grand et frais, chez une femme si simple et vraie.

"Il ya un mélange très étrange entre la musique et soi-même, comme un mariage. (...) Difficile à croire pour les personnes qui n'ont pas ce sentiment mais quand on se sent marié à la musique, on n'a pas besoin de la gloire."  A méditer.

Interview (1990) de Montserrat Caballé par Frédéric Mitterrand + court extrait de « Roberto Devereux » avec José Carreras à Aix-en-Provence in 1977

vendredi 13 avril 2012

Quelques madrigaux pour une nuit de voyages

Je vous propose une virée nocturne (la nuit avancée est indispensable, ainsi que l'éclairage faible) avec Monteverdi, pour aller au fin fond du temps et de vous-même.



1. Incenerite spoglie
2. Ditelo voi
3. Darà la notte il sol
4. Ma te raccoglie
5. O chiome d'or
6. Dunque amate reliquie

Concerto Italiano - Rinaldo Alessandrini

Pour la peinture en fond, il s'agit de "Melancholy" de Domenico Feti (1589-1623)

Le programme de l'opéra de Paris saison 2012-2013

Un programme fabuleux on peut le dire ! Nous avons hâte de voir si le niveau va être remonté d'urgence parès le fiasco de 2011-2012. Nous allons y être, avec joie mais aussi avec énormément d'attente.

La Tétralogie de Wagner ! Nous irons mais... on avait déjà vu le massacre scénagraphique de Gunther Krämer... et honnêtement on a peur. Il y aura des modifications, donc on redonne une chance. Au pire on fermera les yeux, en espérant que Philippe Jordan fasse monter la transcendance en nous, mais quel dommage !

(Les liens vous emmène directement sur le site officiel de l'opéra de Paris)

N'hésitez pas à aller voir les présentations vidéos qui sont intéressantes.





 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

L'Anneau du Nibelung

 
 
 
 

samedi 31 mars 2012

Un blog essentiel qui dénonce la médiocrité : L'école Française de chant,

Je vous propose un site que j'ai découvert récemment et dont les articles seront un excellent plus à la lecture de Vera Voce, qui est plus volubile.

Il s'agit de http://lecolefrancaisedechant.unblog.fr/  qui se présente lui-même comme ceci :

"Ce blog a été créé par des artistes et des auteurs las du misérabilisme où se trouve réduit l'art vocal en France, las des contrevérités, des omissions, voire de l'ignorance, émises et étalées par des médias et des responsables dits culturels. Il n'est pas question, évidemment, de vouloir tout changer, de critiquer sans mesure et cette page n'aura pas le pouvoir de rétablir, hélas, le chant et autres spectacles vivants aussi mal lotis à son plus haut niveau : à l'impossible nul n'est tenu…. Cette page répond seulement à un impérieux besoin d'informer là où sévit la désinformation et s'adresse à tout public : musiciens, passionnés du bel canto, ainsi que de l'art et des lettres en général."

Je l'ai découvert en tombant sur l'artible "Le règne des impostures" , que j'ai trouvé si juste, et que je me permets de partager ici pour donner envie d'aller voir le reste :


"Où les impostures sont reines, le gaspillage est roi.
 
            Tel est le cas dans le domaine que nous défendons : l’Ecole française de Chant. Ne nous leurrons pas, les stars médiatisées ne servent qu’elles-mêmes et ceux qui les promeuvent ; elles ne sont pas des locomotives dans un pays qui a sabordé ses chanteurs lyriques. Où se formaient ceux qui ont fait la gloire de notre Ecole de Chant ? Au sein des troupes. Il y en avait partout des troupes. Aussi des concerts magnifiques dans les églises, non seulement les parisiennes. Le répertoire d’oratorio s’y déploie avec bonheur, même si souvent l’acoustique en est mauvaise : le caractère idiomatique du lieu pallie beaucoup de défauts et le genre porte à la méditation. E. T. A. Hoffmann (oui, oui, celui des Contes) était de cet avis. Il y a vingt ans, moins d’une génération, ces concerts étaient courus et les artistes étaient portés par l’enthousiasme du public. Aujourd’hui, il y a souvent plus de monde à l’orchestre et dans les chœurs que dans l’église elle-même : quelle joie de jouer et de chanter pour des chaises vides ! D’où dégoût général des interprètes, on peut s’en douter.
            Dans les théâtres, plus de troupes de chanteurs lyriques, là pourtant où tous nos modèles ont appris leur métier : nous tairons les noms, chacun les connaît.
            Tout le monde était fier de ces artistes, ce qui n’empêchait pas d’aimer le sport, d’en pratiquer : il est vrai que le matraquage télévisuel à l’heure de la démocratie à pensée unique, fric en tête, bling-bling à la rescousse et principe de précaution à la KGB n’existait pas et que la télévision s’était donné une tâche didactique qu’elle remplissait à merveille. Ce temps n’est plus…
            Revenons plus spécifiquement aux chanteurs lyriques : donc, plus de troupes, beaucoup de théâtres fermés ! Quant à ceux qui existent toujours, ils se survivent, avec des directeurs « en régie », payés (planqués) quoiqu’il advienne (alors qu’au temps jadis les théâtres en concession obligeaient les directeurs à un résultat, sinon ils crevaient de faim) et donnent par an le nombre de représentations que l’on donnait par mois il y a encore une trentaine d’années. Et cela avec des mises en scène de gens en place qui prônent la laideur et se foutent pas mal de la musique, du texte, du contexte de la création de l’œuvre, des contraintes physiologiques du chant, etc. Enfin, tout le monde sait cela, tout le monde s’en plaint, c’est le contribuable qui paie, ça coûte cher à tous, et ça continue… Et tout ce monde de pseudo-intelligents (nous n’osons pas dire intellectuels, tant ce mot est devenu une injure) prend des mines, jacte sans cesse dans les machins audio-visuels, fait écran à ceux qui auraient quelque chose à dire, enfin vous nous aurez compris…
            Parallèlement, observons que notre Université baisse sa culotte jusqu’au moment où elle n’en aura plus. Vous savez, bonnes gens, que nos étudiants ne sont plus confrontés à l’exigence de la Thèse d’Etat et que les professeurs « harmonisent » les notes lors des examens, ce qui veut dire en clair que ces professeurs ne sont pas libres de leur notation mais doivent satisfaire aux moyennes nationales.
            Cela est une chose que peu de personnes connaissent : il faut que ce soit su !
            Revenons à notre Ecole française de Chant : bien malade en vérité ! D’où cela peut-il venir ? Non du manque de voix, car chaque génération possède, en principe, sa part où chacun peut faire valoir son génie propre. Il est vrai que les populations décervelées par l’audiovisuel niveleur, par les écrans qui n’offrent qu’un horizon limité, par les « principes de précaution » et autre panique devant le risque permanent que présente le seul fait de vivre, ne se donnent pas le temps de s’extraire de ces charniers de l’intelligence pour oser être ce qu’elles sont. Il existe heureusement des exceptions qui sont condamnées au silence si un lobby ne s’emparent pas d’elles, ces exceptions, pour les « formater » au goût de la tomate américaine, sans odeur, sans saveur, juste conçue pour ressembler à une tomate bien plus belle que celle qui va pousser dans notre potager !
            Nous vous la faisons courte : l’enseignement est désastreux et toutes les « Ecoles de Musique », ou ce que l’on nomme telles, fabriquées « pour favoriser la pratique amateur » (je ne parle ici que du chant) devraient fermer des classes qui ne servent à rien et coûtent les yeux de la tête au contribuable. Cela permet aux planqués et aux usurpateurs d’avoir des places rémunérées, pas très bien, mais rémunérées quand même, en attendant la sacro-sainte retraite, comme si un artiste était jamais à la retraite. Les généraux ne le sont jamais, eux.
            Nous connaissons tel ou telle qui ne doit sa réputation que pour s’être mis à la remorque d’un artiste justement célèbre par des moyens que n’eût pas reniés Laïs : la voix est horrible, l’érudition nulle, l’allure commune, mais les élèves se précipitent à des leçons qui ne leur apprennent rien parce qu’ils savent que l’artiste-justement-célèbre n’est pas loin et pourra rédiger de bonnes lettres de recommandation, bien que l’artiste – etc. n’en pense pas un mot, mais par habitude, peut-être par mollesse au souvenir d’ébats sexuels passés ou pour échapper à l’enfer de la scène de pseudo-ménage ! Cela est banal, me direz-vous, et existe depuis toujours. Citons la grand-mère d’un de nos amis : « L’amour est aveugle et le trou-du-cul est borgne ! » Sagesse de nos campagnes.
            Quand on voit ce tableau navrant, l’envie est forte de baisser les bras. La médiocrité, voire la nullité, triomphe. Un riche mécène favorise l’enseignement dans notre pays d’un calamiteux ténor des Amériques, alors que nous avons encore de grands maîtres presque silencieux par la force de l’ignorance mêlée au pognon, à la politique et à la sexualité vénale. Nous n’avons rien contre le mélange des genres, mais pas au détriment d’un art qui se meurt. Il n’est pas encore mort : il y a des îlots de résistance où seul demeure l’amour de l’art, malgré des budgets saignés à blanc et les diktat(s) des petits chefs.
            En lieux dit hauts, c’est une catastrophe nourrie par l’ignorance et le manque du plus élémentaire bon sens (qui n’est pas « la chose du monde la mieux partagée », mon pas-du- tout-cher Descartes). En dévalant la pyramide de cette hiérarchie d’incapables, la dégringolade mortifère s’accélère et mine les fondations : c’est un phénomène physique admirablement relayé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit humain. »
            L’Ecole française de Chant est dans la ligne de la Chronique d’une mort annoncée (Garcia Marquez, pour ceux qui ne sauraient pas). Exemple de l’inculture générale : ce matin, nous appelons la FNAC pour savoir s’il existait en DVD le Falstaff et l’Othello, films d’Orson Welles : nous tombons sur ce qu’on nomme plate-forme, ces machins que vous connaissez où, comme des débiles, on répète vingt fois la même chose à des machines ; une voix suave répond enfin pour demander ce qui venait de lui être dit vingt fois… A l’évocation de nos deux bonshommes dont « on cause » quand même depuis le XVIe siècle, on s’entend demander comment ça s’écrit (« épeler » n’est plus d’usage) et de dire les titres un par un. La propriétaire de la voix suave n’a toujours pas compris. Nous explosons : « Mais enfin, ce sont des personnages de Shakespeare, tout le monde sait cela ! » ce qui a attiré la réponse : « J’ai quand même d’autres chats à fouetter ! » Pauvres bêtes !
            Voilà, ô peuple, où nous en sommes. Pleurons sur l’Ecole française de Chant, pleurons sur l’école tout court, pleurons sur l’Université, pleurons sur la perversité des temps, pleurons sur la mort de l’art. Nous n’aurons bientôt plus de larmes, plus d’yeux pour pleurer non plus : même cela on nous l’aura volé, grillés qu’ils seront aux écrans ubiquistes. Hélas ! Trois fois hélas !
            Pour croire encore en quelque chose, il faut avoir la foi du charbonnier…"

Gabriel Bacquier et Sylvie Oussenko, le 17 juin 2010


Je remercie ces auteurs de l'avoir dit aussi bien. Ils me font penser à mon cher maître de chant, qui m'a appris la grandeur, le perfectionnisme, la difficulté, la Grande Ecole. 

Je les ajoute dans nos liens préférés, les suivrai passionnément et ferai tourner biensûr ! Car la bonne parole doit se répandre.

J'espère qu'à Vera Voce, nous serons le digne petit frérot de ce grand blog, en nous adressant à ceux qui sortent de l'oeuf.


Gabrielle.







vendredi 30 mars 2012

Concours artistique d'Epinal : le chant lyrique

J'étais près de Nancy dernièrement pour voir une vieille tante, et j'en ai profité pour passer à Epinal, car j'avais entendu parler du Concours Artistique d'Epinal qui couvrent une infinité d'instruments ET le chant lyrique. Biensûr c'est cela qui m'a intéressé.  J'ai assisté à tout.



Le concours été divisé en 4 catégories : élémentaire / moyen / supérieur / excellence.

Il y avait très peu de candidats, pourtant, le concours est plutôt bien couvert sur le Web.
Trop peu prestigieux sans doute.

J'avoue que ce concours ne m'a pas paru sérieux. D'une part parce qu'il été mal organisé au niveau des horaires, pour avoir discuté avec des participants stressés, les heures de convocation ne correspondaient pas aux heures de passages sur scène réels.

Ensuite, parce qu'il y avait des candidats qui n'étaient pas dans la bonne catégorie, cela montre qu'il s'agit en fait, d'un concours de "première fois", pour se tester, découvrir...

Le jury? Nous ne l'avons pas vraiment vu dans le public, car il se cachait au 1er balcon, il a été présenté à la fin... Je n'ai pas très bien compris qui étaient ces personnes, non citées sur le site web (tout de même, ce serait la moindre des choses), mais cela était du niveau régional, voire municipal.

Peu de candidats en élémentaire/moyen, une dizaine en supérieur, quatre en excellence.

Le tout accompagné par Marie-Clotilde Matrot,  pianiste un peu molle, au doigté sensible et toujours juste, mais sans nuance, sans jeu de lumière et d'ombre. Elle a parfois ralenti les chanteurs à la détresse, ou massacré en jouant beaucoup trop vite le morceau. Apparemment, tout le monde est au niveau d'apprendre dans ce concours, alors n'espérez pas venir éblouir le milieu professionnel.

De bonnes surprises cependant, un jeune homme qui a eu le 3ème prix... (à égalité avec une jeune fille sans voix, en cours dans le coin sans doute, je ne vois nulle autre explication) qui a tenu avec voix et technique une prestance élégante et joyeuse.  

Le 1er prix de la catégorie excellence est revenu à une jeune fille pleine d'assurance (mais aussi d'arrogance, il faut faire attention, la limite est fine) avec un timbre rare. Si j'ai trouvé son jeu exagéré, elle est tout de même un exemple de concentration, d'assurance et d'audace, nécessaire pour se détacher sur scène, et se démarquer. Malgré cela, les 4 candidats qui se sont présentés en Excellence, sont plutôt d'un niveau "supérieur".

Je ne m'étalerais pas à faire une critique vocale de ces jeunes et courageux participants, les bons ou les moins bons, et surtout pour les moins bons ; ils ont eu un grand courage de venir débuter les concours ici.

A la fin de la journée, tombent les résultats. J'ai trouvé la manière de faire lourde et peu délicate : TOUS les participants montent sur scène, en demi-cercle et on appelle ceux qui ont des prix pour leur remettre. En somme, ceux qui n'ont pas de prix, restent comme des cons derrière à applaudir, au regard de tous. La plupart des concours, ont la finesse de laisser les candidats en coulisse, et seuls les gagnants montent sur scène.

L'organisation a dû se dire que c'était sympa et convivial, mais ce concours ne l'est clairement pas, et il faudrait plutôt regarder les visages tendus et mal à l'aise des jeunes personnes, pour qui c'est un moment important et qui font en ressortir encouragés ou découragés...




Tout cela pour dire que, pour un chanteur qui débute la scène, ce concours est idéal, il y a de tout, on a honte de rien, et la salle... la salle... une merveille. Vous aurez rarement la chance de chanter aussi facilement dans un théâtre à l'italienne, alors profitez-en ! C'est très intimidant, surtout devant une salle quasi-vide, et un public terne et peu enjoué, donc en en sortant, vous n'aurez plus peur de vos rencontres futures avec les salles.

En tant que spectateur, ce concours ne vaut pas le détour, vu la majorité de débutants, l'ambiance ne sera pas au beau spectacle et à l'émotion. Si vous avez une haute connaissance du chant, vous vous ennuierez et serez énervé par les résultats (comme souvent) et si vous voulez découvrir le chant lyrique, mieux vaut éduquer vos oreilles dès le début avec les plus grands chanteurs que d'aller les embrouiller dans des endroits d'un bas niveau.

En tant que chanteur, le Concours d'Epinal est une bonne occasion de travailler son trac, sa tenue sur scène et selon votre tempérament : de faire du forcing sur vous-même ou prendre du plaisir à assurer dans un beau et impressionnant théâtre.


N'oubliez pas que les concours sont plus destinés à faire briller les organisateurs que les participants, et que les avis d'un jury ne définissent pas ce que vous valez, surtout dans les tout petits concours où l'exigence musicale et l'attente peut être extrêmement variable.


Alex.


http://www.concours-artistique-epinal.org/




//Vous avez participé un jour un chant à cette épreuve de chant, n'hésitez pas à nous écrire pour raconter! vera.voce.blog@gmail.com//

dimanche 25 mars 2012

"O rimembranza" - Norma & Adalgisa / Montserrat Caballé et Fiorenza Cossotto

Sûrement le plus beau duo de Norma, interprété par deux monuments : Montserrat Caballe et Fiorenza Cossotto.

Il s'agit de "O rimembranza" , dans ce passage, Adalgisa jeune prêtresse gauloise confie son désarroi à la grande prêtresse Norma : un homme l'a séduite et elle pense l'aimer, un pêché ! Norma reconnaît qu'il s'agit de son amant de pro-consul romain, Adalgisa l'ignore.


Teatro de la Zarzuela de Madrid, 1978


Traduction :

NORMA
Adalgisa!

ADALGISA
Courage, mon cœur!

NORMA
Venez, ô jeune fille, entrez.
Pourquoi tremblez-vous?
J'ai entendu dire que tu veux me révéler
un sérieux secret

ADALGISA
Il est vrai.
Mais, oh, débarasse-toi
de l'austérité céleste
qui brille dans tes yeux!
Donne-moi le courage,
ainsi, sans aucun voile,
je pourrai te révéler mon cœur !

NORMA
Embrasse-moi et parles.
Qu'est-ce-qui t'afflige?

ADALGISA
L'amour. Ne te fâche pas !
Pendant un long moment je me suis battue pour l'étouffer.
Il a surmonté toutes mes forces,
tous mes remords.
Ah! Tu ne sais pas, tout à l'heure,
Quel serment que j'ai fait!
Pour fuir le temple,
trahir l'autel à laquelle je suis lié,
abandonner ma patrie ...

NORMA
Ah! Malheureuse!
Le clair ciel de tes jeunes jours est déjà troublé?
Et comment, et quand
une telle flamme est née en toi?

ADALGISA
D'un seul coup d'œil, à partir d'un seul soupir,
dans le bois sacré,
au pied de l'autel où j'ai prié Dieu.
Je tremblais ... Sur mes lèvres
la prière a été arrêtée.
Et, toute prise par cette belle apparence,
J'ai cru voir un autre ciel,
un autre ciel en lui.

NORMA
(Oh! je me souviens!
J'ai aussi été transportée
simplement en voyant son visage!)

ADALGISA
Mais tu ne m'écoutes pas??

NORMA
Continues. Je suis à l'écoute

ADALGISA
Seule, furtive, dans le temple
J'ai souvent attendu pour lui,
et chaque jour la flamme ardente
a augmenté de façon plus intense.

NORMA
(Je me suis brûlée ainsi.)

ADALGISA
"Venez", dit-il,
"que je me prosterne à vos pieds."

NORMA
(Oh, je m'en souviens!)

ADALGISA
Laisse moi respirer

NORMA
(J'étais ainsi séduite!)

ADALGISA
"Epris par vos doux soupirs,
laissez-moi, oh, permettez-moi de baiser
vos jolies boucles."

NORMA
(Oh, les mots doux!
Ainsi, il me parlait,
donc il a trouvé le chemin de mon cœur!)

ADALGISA
Douces comme les notes d'une harpe
furent ses paroles:
j'ai vu un éclatant soleil sourire dans ses yeux

NORMA
(J'étais sous même le charme!)

ADALGISA
J'étais perdue et le suis encore!

NORMA
Ah! Allons, sèches tes larmes!

ADALGISA
J'ai besoin de ton pardon!

NORMA
Je serai miséricordieuse!

ADALGISA
Oh! Aidez-moi et guidez-moi!

NORMA
Ah! Allons, sèche tes larmes!

ADALGISA
Rassures-moi ou reproches-moi,
Sauve-moi de moi-même,
sauve-moi de mon cœur!

NORMA
Ah! Séche ces larmes!
Tu n'es pas éternellement liée,
éternellement liée à l'autel.

ADALGISA
Oh! Ciel! Répète
ces mots bénis encore une fois!

NORMA
Ah! Oui, rassure-toi et embrasse-moi.
Je pardonne et compatis avec toi.
Je te libére de tes vœux,
et romps tes liens.
Unis-toi à ton bien-aimé,
vous vivrez heureux une fois de plus.

ADALGISA
Oh ciel, laissez-moi entendre
ces mots bénis encore une fois!
Grâce à toi, par toi,
ma longue souffrance à long touche à fin.
Tu me rends à la vie,
si l'amour n'est pas un péché.

mardi 20 mars 2012

Introduction ; pourquoi Vera Voce? de la déchéance de la musique à l'éducation de l'exigeance

Bonjour à toutes et à tous,


C'est suite à la consternation que nous avons décidé de créer ce blog et de le nourrir.
Que devient l'opéra en France? Qui sont les plus grands chanteurs? Et au nom de quelles valeurs les gratifie-t-on de ce qualificatif?

Et bien, nous avons trouvé que tout se mélangeait, s'embrouillait, se perdait.

La musique populaire, les variétés, tout cela s'est perdu durant les quelques dernières décennies, au profit du rendement. Parce que des chaînes de TV et des radios diffusent non pas ce qu'ils estiment être de la qualité, mais plutôt ce qui va être le plus regardé ou écouté, ce qui permet de faire grimper au max les tarifs des tranches publicitaires. C'est aussi simple que ça.

Les producteurs d'aujourd'hui c'est la même. Pauvres jeunes filles à la voix de cristal, rêvant d'être des stars reconnues pour leurs talents... On vous choisira parce que vous ferez vendre. Même si vous êtes médiocre. Une belle bouille, un beau clip, un concept, peut faire d'une musique médiocre, un succès planétaire, parce que les gens ne se soucient pas de la musique, ils veulent rêver, oublier leur quotidien, fantasmer. Très peu de place à la qualité est laissée sur le tapis rouge de nos jours. Et de nombreux artistes exceptionnels sont laissés dans l'ombre parce qu'ils ne sont pas marketing.

Heureusement, la musique "classique" et tout ce qu'elle englobe, est différente. Elle est jouée, et rejouée, partout dans le monde, tous les jours, et depuis des siècles sans jamais lasser ses auditeurs/spectateurs. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'un son prenant, venant du fond des temps, du fond des âmes de ces hommes et femmes exceptionnels qui l'ont écrit, dans un pur soucis de l'art et de l'immensité, des soirs durant, à leur clavecin ou piano, éclairés d'une loupiote, mettant sur papier l'âme humaine, le ciel, la mer, l'amour, la mort et tout ce qui fait tourner la Terre depuis la nuit des temps.

Les chanteurs de cette musique ont une responsabilité immense, car contrairement aux autres instruments, la corruption de ce que nous avons dit plus haut à propos de la TV, du marketing, de l'image, les guette constamment. Et ils sont parfois tentés de troquer un peu de d'art contre un peu de marketing. Nous vivons à une époque du culte de la personnalité, non pas qu'elle n'est pas existé avant, mais nous y sommes beaucoup plus sensible dans un temps où nous perdons beaucoup de repères.

Vera Voce, la Vraie Voix. Nous voulons partager nos valeurs par ce blog, remettre certaines pendules à l'heure, parler ouvertement, être sévères mais toujours justes. Expliquer l'extrême finesse de l'art lyrique  aux gens qui n'ont pas forcément les moyens de s'éduquer en profondeur. Proposer aux autres un autre point de vue.

En effet, à cette époque où 75% de la presse et des critiques font dans la complaisance, comment se faire une opinion si ce n'est en écoutant sa propre émotion, ses propres goûts, son intuition, son sentiment direct? Mais cela ne suffit pas et ne serait pas vraiment exact concernant un art rigoureux et exigeant qui perdure depuis des siècles.

En ces temps où les chanteurs qui envahissent nos télévisions, chantent du nez, n'ont pas de voix, modulent sur 1 octave maximum, il est essentiel de rappeler constamment au public à quel point le chant lyrique demande une technique immense, une précision acharnée et constitue une performance et que ce sont là les vrais chanteurs ! Et que même parmi eux, il faut savoir reconnaître les grands de ceux qui font illusion.

Un exemple, Céline "the french phénomène", cette jeune fille, tout à fait charmante, est passée à la TV dans "La France a un incroyable talent" et y a chanté  le très célèbre air de la Reine de la Nuit, extrait de la Flûte enchantée de Mozart. Cela est un exemple parfait pour illustrer que rien n'est blanc ou noir, mais tout est gris. Le bon côté, c'est qu'à une grande heure d'écoute sur une chaîne assez vulgaire,  cette jeune fille a chanté et fait découvrir à un public majoritairement néophytes, de l'opéra. Et nous la remercions pour cela. Elle a augmenté d'un brin la culture générale, et peut-être que ce soir-là, des petits enfants qui étaient bêtement plantés devant la TV auront eu un déclic en se disant "Mozart? Holala ça a l'air génial". Le côté noir, c'est que cette jeune fille n'a aucune technique, massacre le morceau, même pas en tonalité originale, mais que la TV va la présenter comme un phénomène de voix exceptionnelle et les gens qui n'y connaissaient, auront encore régresser, le système de valeur étant encore un peu plus effacé par la TV.



Notre blog s'adresse aussi aux néophytes. Nous souhaitons éduquer leurs oreilles avec des comparaisons, des suggestions, des expériences, des critiques constructives.

Nous vous proposons de découvrir nos valeurs, nos coups de coeur, nos coups de gueule.
Nous, musiciens, chanteurs, compositeurs, amoureux puristes, posons un regard jeune et inédit sur ce qui nous entoure, nous sommes issus de milieux  différents, nous avons des sensibilités différentes, et ce qui est sûr, c'est que jamais nous ne tomberons dans l'intellectualisation stupide, la complaisance et la facilité.



La rédaction.