samedi 31 mars 2012

Un blog essentiel qui dénonce la médiocrité : L'école Française de chant,

Je vous propose un site que j'ai découvert récemment et dont les articles seront un excellent plus à la lecture de Vera Voce, qui est plus volubile.

Il s'agit de http://lecolefrancaisedechant.unblog.fr/  qui se présente lui-même comme ceci :

"Ce blog a été créé par des artistes et des auteurs las du misérabilisme où se trouve réduit l'art vocal en France, las des contrevérités, des omissions, voire de l'ignorance, émises et étalées par des médias et des responsables dits culturels. Il n'est pas question, évidemment, de vouloir tout changer, de critiquer sans mesure et cette page n'aura pas le pouvoir de rétablir, hélas, le chant et autres spectacles vivants aussi mal lotis à son plus haut niveau : à l'impossible nul n'est tenu…. Cette page répond seulement à un impérieux besoin d'informer là où sévit la désinformation et s'adresse à tout public : musiciens, passionnés du bel canto, ainsi que de l'art et des lettres en général."

Je l'ai découvert en tombant sur l'artible "Le règne des impostures" , que j'ai trouvé si juste, et que je me permets de partager ici pour donner envie d'aller voir le reste :


"Où les impostures sont reines, le gaspillage est roi.
 
            Tel est le cas dans le domaine que nous défendons : l’Ecole française de Chant. Ne nous leurrons pas, les stars médiatisées ne servent qu’elles-mêmes et ceux qui les promeuvent ; elles ne sont pas des locomotives dans un pays qui a sabordé ses chanteurs lyriques. Où se formaient ceux qui ont fait la gloire de notre Ecole de Chant ? Au sein des troupes. Il y en avait partout des troupes. Aussi des concerts magnifiques dans les églises, non seulement les parisiennes. Le répertoire d’oratorio s’y déploie avec bonheur, même si souvent l’acoustique en est mauvaise : le caractère idiomatique du lieu pallie beaucoup de défauts et le genre porte à la méditation. E. T. A. Hoffmann (oui, oui, celui des Contes) était de cet avis. Il y a vingt ans, moins d’une génération, ces concerts étaient courus et les artistes étaient portés par l’enthousiasme du public. Aujourd’hui, il y a souvent plus de monde à l’orchestre et dans les chœurs que dans l’église elle-même : quelle joie de jouer et de chanter pour des chaises vides ! D’où dégoût général des interprètes, on peut s’en douter.
            Dans les théâtres, plus de troupes de chanteurs lyriques, là pourtant où tous nos modèles ont appris leur métier : nous tairons les noms, chacun les connaît.
            Tout le monde était fier de ces artistes, ce qui n’empêchait pas d’aimer le sport, d’en pratiquer : il est vrai que le matraquage télévisuel à l’heure de la démocratie à pensée unique, fric en tête, bling-bling à la rescousse et principe de précaution à la KGB n’existait pas et que la télévision s’était donné une tâche didactique qu’elle remplissait à merveille. Ce temps n’est plus…
            Revenons plus spécifiquement aux chanteurs lyriques : donc, plus de troupes, beaucoup de théâtres fermés ! Quant à ceux qui existent toujours, ils se survivent, avec des directeurs « en régie », payés (planqués) quoiqu’il advienne (alors qu’au temps jadis les théâtres en concession obligeaient les directeurs à un résultat, sinon ils crevaient de faim) et donnent par an le nombre de représentations que l’on donnait par mois il y a encore une trentaine d’années. Et cela avec des mises en scène de gens en place qui prônent la laideur et se foutent pas mal de la musique, du texte, du contexte de la création de l’œuvre, des contraintes physiologiques du chant, etc. Enfin, tout le monde sait cela, tout le monde s’en plaint, c’est le contribuable qui paie, ça coûte cher à tous, et ça continue… Et tout ce monde de pseudo-intelligents (nous n’osons pas dire intellectuels, tant ce mot est devenu une injure) prend des mines, jacte sans cesse dans les machins audio-visuels, fait écran à ceux qui auraient quelque chose à dire, enfin vous nous aurez compris…
            Parallèlement, observons que notre Université baisse sa culotte jusqu’au moment où elle n’en aura plus. Vous savez, bonnes gens, que nos étudiants ne sont plus confrontés à l’exigence de la Thèse d’Etat et que les professeurs « harmonisent » les notes lors des examens, ce qui veut dire en clair que ces professeurs ne sont pas libres de leur notation mais doivent satisfaire aux moyennes nationales.
            Cela est une chose que peu de personnes connaissent : il faut que ce soit su !
            Revenons à notre Ecole française de Chant : bien malade en vérité ! D’où cela peut-il venir ? Non du manque de voix, car chaque génération possède, en principe, sa part où chacun peut faire valoir son génie propre. Il est vrai que les populations décervelées par l’audiovisuel niveleur, par les écrans qui n’offrent qu’un horizon limité, par les « principes de précaution » et autre panique devant le risque permanent que présente le seul fait de vivre, ne se donnent pas le temps de s’extraire de ces charniers de l’intelligence pour oser être ce qu’elles sont. Il existe heureusement des exceptions qui sont condamnées au silence si un lobby ne s’emparent pas d’elles, ces exceptions, pour les « formater » au goût de la tomate américaine, sans odeur, sans saveur, juste conçue pour ressembler à une tomate bien plus belle que celle qui va pousser dans notre potager !
            Nous vous la faisons courte : l’enseignement est désastreux et toutes les « Ecoles de Musique », ou ce que l’on nomme telles, fabriquées « pour favoriser la pratique amateur » (je ne parle ici que du chant) devraient fermer des classes qui ne servent à rien et coûtent les yeux de la tête au contribuable. Cela permet aux planqués et aux usurpateurs d’avoir des places rémunérées, pas très bien, mais rémunérées quand même, en attendant la sacro-sainte retraite, comme si un artiste était jamais à la retraite. Les généraux ne le sont jamais, eux.
            Nous connaissons tel ou telle qui ne doit sa réputation que pour s’être mis à la remorque d’un artiste justement célèbre par des moyens que n’eût pas reniés Laïs : la voix est horrible, l’érudition nulle, l’allure commune, mais les élèves se précipitent à des leçons qui ne leur apprennent rien parce qu’ils savent que l’artiste-justement-célèbre n’est pas loin et pourra rédiger de bonnes lettres de recommandation, bien que l’artiste – etc. n’en pense pas un mot, mais par habitude, peut-être par mollesse au souvenir d’ébats sexuels passés ou pour échapper à l’enfer de la scène de pseudo-ménage ! Cela est banal, me direz-vous, et existe depuis toujours. Citons la grand-mère d’un de nos amis : « L’amour est aveugle et le trou-du-cul est borgne ! » Sagesse de nos campagnes.
            Quand on voit ce tableau navrant, l’envie est forte de baisser les bras. La médiocrité, voire la nullité, triomphe. Un riche mécène favorise l’enseignement dans notre pays d’un calamiteux ténor des Amériques, alors que nous avons encore de grands maîtres presque silencieux par la force de l’ignorance mêlée au pognon, à la politique et à la sexualité vénale. Nous n’avons rien contre le mélange des genres, mais pas au détriment d’un art qui se meurt. Il n’est pas encore mort : il y a des îlots de résistance où seul demeure l’amour de l’art, malgré des budgets saignés à blanc et les diktat(s) des petits chefs.
            En lieux dit hauts, c’est une catastrophe nourrie par l’ignorance et le manque du plus élémentaire bon sens (qui n’est pas « la chose du monde la mieux partagée », mon pas-du- tout-cher Descartes). En dévalant la pyramide de cette hiérarchie d’incapables, la dégringolade mortifère s’accélère et mine les fondations : c’est un phénomène physique admirablement relayé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit humain. »
            L’Ecole française de Chant est dans la ligne de la Chronique d’une mort annoncée (Garcia Marquez, pour ceux qui ne sauraient pas). Exemple de l’inculture générale : ce matin, nous appelons la FNAC pour savoir s’il existait en DVD le Falstaff et l’Othello, films d’Orson Welles : nous tombons sur ce qu’on nomme plate-forme, ces machins que vous connaissez où, comme des débiles, on répète vingt fois la même chose à des machines ; une voix suave répond enfin pour demander ce qui venait de lui être dit vingt fois… A l’évocation de nos deux bonshommes dont « on cause » quand même depuis le XVIe siècle, on s’entend demander comment ça s’écrit (« épeler » n’est plus d’usage) et de dire les titres un par un. La propriétaire de la voix suave n’a toujours pas compris. Nous explosons : « Mais enfin, ce sont des personnages de Shakespeare, tout le monde sait cela ! » ce qui a attiré la réponse : « J’ai quand même d’autres chats à fouetter ! » Pauvres bêtes !
            Voilà, ô peuple, où nous en sommes. Pleurons sur l’Ecole française de Chant, pleurons sur l’école tout court, pleurons sur l’Université, pleurons sur la perversité des temps, pleurons sur la mort de l’art. Nous n’aurons bientôt plus de larmes, plus d’yeux pour pleurer non plus : même cela on nous l’aura volé, grillés qu’ils seront aux écrans ubiquistes. Hélas ! Trois fois hélas !
            Pour croire encore en quelque chose, il faut avoir la foi du charbonnier…"

Gabriel Bacquier et Sylvie Oussenko, le 17 juin 2010


Je remercie ces auteurs de l'avoir dit aussi bien. Ils me font penser à mon cher maître de chant, qui m'a appris la grandeur, le perfectionnisme, la difficulté, la Grande Ecole. 

Je les ajoute dans nos liens préférés, les suivrai passionnément et ferai tourner biensûr ! Car la bonne parole doit se répandre.

J'espère qu'à Vera Voce, nous serons le digne petit frérot de ce grand blog, en nous adressant à ceux qui sortent de l'oeuf.


Gabrielle.