lundi 21 janvier 2013

The King Arthur à l'Opéra Royal de Versailles, mise en scène par Shirley & Dino, dirigé par Hervé Niquet

J'avais réservé depuis des lustres King Arthur, à l'Opéra Royal de Versailles, mis en scène par Shirley & Dino. C'était ce week-end.
L'ami qui m'accompagnait, néophyte, pensait se rendre à un baroque à la mise en scène bien pénible où il fallait absolument faire un travail psychique pour savourer les notes divines sans se plomber. Moi, j'étais un peu sceptique et curieuse, sans à priori. J'ai déjà vu aux Etats-Unis des mises en scène fabuleuses créées par des gens qui venaient de tout autre horizons, et je trouve cela absolument beau car cela prouve que l'Opéra n'est pas l'affaire d'un mince cercle fermé.

Donc, pour la présentation, Ce King Arthur est donc mis en scène par Shirley et Dino, sur proposition de Hervé Niquet (direction musicale, choeur et orchestre du Concert Spirituel)

J'avais vu quelques images à l'avance, j'avais peur d'un modernisme triste et plat. Et je n'ai pas été servie, heureusement.

Je ne connaissais pas plus que ça Shirley et Dino à vrai dire. D'ailleurs je ne m'attendais pas à ce qu'ils participent à cet opéra-spectacle. Dino/Gilles, on le voit beaucoup. En duo de choc avec Hervé Niquet, ils ponctuent à eux deux l'opéra pendant les changements de décors, entre les actes.

Car il faut savoir que King Arthur est à la base un semi-opéra qui dure 5 heures, dont à peine 2 heures de chant. Ici on n'a gardé que les 2 heures de chants, on passe donc directement d'un tableau à l'autre, sans vraiment de ligne dans l'histoire. Et c'est pour cette raison que les interventions de scène des deux compères sont les bienvenues et ne semblent pas déplacées.

Ma critique va se fonder (et cela va pourtant la rendre complète) sur la réaction d'un Monsieur qui pendant une interlude de Dino et Hervé a hurlé d'une voix d'huissier "On se casse", avant de claquer la porte. Cela m'a fait terriblement mal au coeur. Pourquoi?

- Déjà, parce que c'est absolument irrespectueux. A l'Opéra, on paye sa place, on sait ce qu'on va voir et si on n'est pas content, on peut huer à la fin, siffler, c'est légitime que le public donne son avis. Mais partir pendant, se faire remarquer, déconcentrer les artistes... c'est absolument nombriliste, médiocre et discourtois.

- Oui, je n'ai jamais vu ça à l'Opéra, le chef d'orchestre qui monte sur scène pour s'adresser au public, exprimer son humour, faire rire... je n'y vois aucune pitrerie mais bien une volonté de se rapprocher d'un public, d'effacer la froideur habituelle, et même de nous éduquer ! C'est réussi et la majorité a vraiment apprécié ce partage. Les instrumentistes ont joué le jeu des gags, ils ont affirmé leur présence, on a vu leur visage, on les a vu rire avec nous, quelle chaleur !


- Des détails, des gags, de l'humour se sont infiltrés même pendant les actes... Est-ce que cela a dénaturé la musique? Est-ce que cela tourne en dérision l'oeuvre de Monsieur Purcell? Est-ce que cela a effacé le talent immense des artistes? Et bien pas du tout ! La musique du Concert Spirituel était magique, le choeur éblouissant, et les solistes étaient vraiment d'un superbe niveau. Les décors étaient franchement beaux, et superbement éclairés, on y était avec le Roi Arthur, sans soucis.

- Il s'agissait simplement d'un Roi Arhur différent. Nous ne sommes pas dans le solennel ici, mais dans une interprétation (quel intérêt sinon d'inviter des metteurs en scène venus d'ailleurs) proche de l'univers Monty Python, qui est cultissime, cela a du sens. João Fernandez dans ce rôle est éblouissant de talent. Son visage joue à chaque seconde, il bouge, il court, il roule, il danse, sans jamais altérer sa voix qui reste parfaite du début à la fin. Chapeau, un vrai exercice de style. Le rôle lui va comme un gant. C'est d'ailleurs ce que j'ai pensé de chaque soliste, et c'est chose rare. Ana Maria Labin et Chantal Santon-Jeffery, dans le rôle des courtisanes étaient à tomber. En plus d'être belles et d'avoir la voix superbe et précise tout en finesse, elles sont joué la comédie à la perfection. Rarement vu un crêpage de chignon aussi crédible et joli sur scène !




- Le choeur pour une fois a été très bien mis en valeur, on repère chaque chanteur, sa participation, son jeu, car le choeur ne s'est pas reposé sur ses lauriers... chorégraphie, comédie, patins à glace, le tout dans la perfection de l'ensemble vocal, c'est une performance. On les a tous remarqué, ils n'étaient pas dans l'ombre ou en position secondaire, mais représentait bien une des unités principales de la scène.

- On sent que le trio Shirley/Dino/Niquet a souhaité donné sa vraie place à chacun, et y rendre hommage, instrumentistes, machinistes, choristes, et même public, et de cela s'est dégagé un immense amour qui en touché plus d'un, car le spectacle est un succès.



Si je devais parler d'une chose qui m'a déçue, oui il y en a une : j'attendais comme beaucoup de monde l'aria "What power art thou who from below" , et j'ai été assez déçue par le tempo choisi. Cet air est tellement puissant, beau et inhabituel, et mérite qu'on prenne le temps, là on est passé à côté. (exemple, de tempo hein ;) la version d'Andreas Scholl, que j'aurais préféré par une basse... Cependant l'instru est superbe)

Mon ami a passé un très bon moment d'opéra, il a découvert la musique du Roi Arthur sans en perdre une goutte, il en a pris plein les yeux avec le décor, les costumes, les coiffures, les mouvements, et, cerise sur le gâteau, a bien ri. Et, plaire au connaisseur comme au néophyte, c'est ça le succès.
Car les gens qui se "cassent" en plein milieu, incapables de ressentir cet amour exceptionnel de la musique et des gens qui englobe ce spectacle sans jamais nuire à la qualité vocale et musicale, n'ont qu'à se passer des CDs à la maison en se paluchant sur les harmonies. Car cet opéra n'a absolument rien qui discrédite la Musique, l'Opéra et le Compositeur.

Moi je dis un grand merci, car j'ai été ravie qu'un chef d'orchestre s'adresse à nous de cette manière, ravie d'avoir un nouveau regard sur ces gens qu'on regarde si peu habituellement, ravie d'avoir écouter une aussi jolie interprétation du King Arthur, ravie d'avoir vu des chanteurs dotés d'un réel don de comédie, ravie de voir que des artistes venus d'un autre domaine sont bel et bien capable de d'apporter leur graine à l'opéra.

MERCI à TOUS pour cette belle soirée.

Pour ceux qui n'ont eu la possibilité de le voir, je pense que le DVD vaut le coup, franchement n'hésitez pas, malgré ce que je vous ai dit, vous n'êtes pas au bout de vos surprises :




vendredi 18 janvier 2013

Sgombra è la sacra selva de Bellini

Aujourd'hui, j'aimerais partager et écouter avec vous un récitatif extrait de Norma (opéra de Bellini) :


"sgombra è la sacra selva"

Il ne se fait pas forcément remarquer dans l'oeuvre au premier abord, pourtant c'est un morceau très riche en beauté, en expression vocale comme orchestrale.

Adalgisa est dans les bois, seule, elle a peur car elle aime ce Romain, alors qu'elle est vouée à la religion, et donc à la chasteté. 

On est surpris par la tournure de la musique, cette intro animée et rythmée.

"Pas très dans l'ambiance" dirait le néophyte. Il faut chercher au fond de soi...  Quand on aime, et qu'on a pas le droit d'aimer, on est constamment tiraillé entre l'ivresse, les palpitations, le bonheur (très bien retranscrit par cette introduction) et par la culpabilité, la peur, le désespoir ici le thème principal de la voix, entrecoupée par ce "a tempo" de l'introduction et ses palpitations qui reviennent. Du génie !

Bellini savait exactement ce qu'Adalgisa pouvait ressentir !

Trois interprétations à vous faire écouter, toutes différentes, 2 bonnes et 1 hum...
(Je le répète, c'est en comparant qu'on fait progresser son oreille !)

1 - Ma référence : Fiorenza Cossotto, en Adalgisa (dans cette version, c'est Montserrat Cabbale qui chante Norma, un CD culte à avoir absolument). Une voix à la technique parfaite, ronde, très chaude, et sans limite. Dans sa langue natale, Fiorenza exprime parfaitement la puissance des mots. Une excellente référence de rigueur pour travailler le morceau.

2 - Shirley Verrett : rien à avoir, Verrett ça ne s'analyse, ça se savoure. C'est du rêve, c'est livre, ça monte dans le ciel, ça nous détache du sol. Ici, c'est la sensibilité pure, l'interprétation, l'envolée. Ecouter ce que Verrett fait, apporte un plus dans la finesse d'interprétation.

3 - Marilyn Horne, dont j'aime beaucoup beaucoup la voix, mais dont je déplore pas mal l'interprétation trop bling bling "jexposecequejesaisfaireavecmavoixenmefichantunpeudesintentionsducompositeuretdusentimentvrai". Oui Horne en fait toujours 3 tonnes. Certains adorent entendre ça, moi, le pain + la couche de beurre + le nutella + la crème chantilly + la pincée de cannelle, je trouve ça lourd.


Les voici, et dessous la traduction française, bonne écoute !
Vous pouvez trouver le livret en français ici

1- Fiorenza Cossotto :



*******
2- Shirley Verrett :



*******
3- Marilyn Horne :



*******

La forêt sacrée est déserte
Accompli est le rite.
Cachée de tous je peux enfin souperer
Ici, là où je le vis la première fois,
ce fatal Romain,
Qui me rend rebelle au temple, au Dieu

Fût-ce le dernière fois au moins ! Désir vain !
Une force irrésistible me traîne ici,
Et de cher aspect mon coeur se nourrit, et de sa chère voix...
Le souffle du vent me répète le son.

De grâce ! protège-moi, Ô Dieu !
Je suis perdue
Grand Dieu, aie pitié, je suis perdue.

---


Sgombra è la sacra selva,

Compiuto il rito.

Sospirar non vista alfin poss'io,

Qui … dove a me s'offerse

La prima volta quel fatal Romano,

Che mi rende rubella
Al tempio, al Dio …

Fosse l'ultima almen!
Vano desio!

Irresistibil forza qui mi trascina,

E di quel caro aspetto
Il cor si pasce,

E di sua cara voce

L'aura che spira mi ripete il suono.

Deh! Proteggimi, o Dio!

Perduta io son!

Gran Dio, abbi pietà,
Perduta io son!