mardi 7 août 2012

Sabine Steffan ou comment arrondir ses fins de mois

Je tombe aujourd'hui sur le site de Sabine Steffan qui propose des cours, des stages, des master class, qui a acheté le nom de domaine art-opera.com, qui en a un autre à son nom , qui clame de très bonnes intentions ("servir la musique et non s'en servir"), mais le hic, c'est la grosseur du business par rapport à la biographie, et les prétentions de la biographie par rapport à la réalité.

"Primée par plusieurs médailles d’or et mentions d’excellences lors du passage de ses diplômes elle se perfectionnera à Modène auprès du Maestro Pola, (maître de Pavarotti et de Mirella Freni) qui la conduira au niveau international.

Sacrée meilleur jeune talent Italien, elle sera reconnue par les critiques internationaux comme « une des grandes sopranos françaises »."

Lorsqu’elle revient en France en 1994, c’est pour travailler avec Madame Cadet de l’Opéra de Paris qui va l’aider à se former à la discipline de l’art de la Mélodie Française. C’est à cette époque que commence sa carrière internationale de concertiste.

Elle s’exprime à présent en Europe, en Amérique du sud, en Amérique centrale … et s’oriente avec enthousiasme vers de nouveaux horizons.

Pourtant quand on veut regarder l'actualité, les dates, on tombe sur : 

 
Sabine Steffan, disciple du légendaire art vocal italien est l’une des grandes sopranos françaises actuelles.
Elle obtient avec succès plusieurs médailles d’or et des mentions d’excellence lors du passage de ses diplômes et concours d’art lyrique au conservatoire international de parme.

Sabine Steffan poursuit une carrière internationale de concertiste, elle se produit au travers de récitals, concerts et festivals dans le monde entier. Reconnue par ses pairs, elle est sollicitée en tant que jury de concours de chant internationaux.

Sabine Steffan offre au public avec générosité et passion la pureté de son art et sa recherche d’absolu.

N'importe quel chanteur potable peut se débrouiller pour organiser et chanter dans des récitals humbles partout où on n'y connaît pas grand chose. Cela ne signifie pas une carrière internationale.
Par contre art-opera.com, ça a l'air de vouloir un sacré business.

Voilà un bon exemple de ce sur quoi il ne faut pas se monter la tête quand on débute, ou quand on débarque et qu'on veut progresser avec des pros. "Une des grandes sopranos françaises" a autre chose à faire que proposer des stages et des chambres sur un site.

Donc une biographie insistant bien sur les 3 ou 4 succès d'époque, et qui vanish le reste. On devine bien l'artiste dans la pente qui doit payer ses factures. Ce qui, biensûr, n'a rien de critiquable. PAr contre ce qui l'est, c'est de se prétendre au-dessus de ce que l'on est et de falsifier ainsi la valeur du grand chant et de son apprentissage aux néophytes. Les journaux locaux vont transmettre l'information de tel ou tel petit concert et affubler l'article de copier-coller du site... on retrouve donc les tirades sur la carrière internationale.

Oui car ceux qui s'y connaissent ne s'y trompent pas... Il n'y a qu'un morceau de Sabine Steffan sur son site et sur Youtube, on en déduit que c'est son meilleur, et ça n'est pas du niveau de choriste... mais ça trompe celui qui n'a pas encore l'oreille formée. 

Madame Steffan fait un très beau Mi bémol oui, pour attaquer son Ave Maria mais c'est tout. Fausses notes sur demi-ton,  absence de couleur, de nuance, d'interprétation, et alors après les 2:00 ... ça part carrément en cacahuète, retards, aigus sortis des joues et poussés, aïe aïe aïe. Non ce n'est pas tolérable de lire ce que lit et d'écouter ce qu'on écoute ici.

N'oubliez pas que les meilleurs professeurs n'ont pas besoin de se faire de la pub, et de trop parler.
Mieux vaut un professeur qui n'a pas fait grand chose, mais a une technique juste et l'humilité de vous rediriger ensuite.


Ecoutez. J'ai déjà entendu mieux sur des CD de Noël des éditions Atlas.



NB : je viens de tomber sur un autre morceau qui me fait réellement poser des vraies questions.... 
Un site qui parle d'un CD de Mme Steffan, (aucun CD de Mme Steffan n'est trouvable sur Amazon, chose qui va mal avec les qualités et la carrière qu'elle vante sur ses sites) vantant presque le talent qu'il faut pour enregistrer des airs d'opéra avec piano plutôt qu'orchestre (alors qu'on sait très bien qu'il faut être produit par une maison qui peut se permettre de payer un orchestre à un artiste qui va rapporter, c'est tout) 

"Si l' artiste a la chance d'être accompagnée par un excellent orchestre, la partie est à moitié gagnée !

Pourtant Sabine Steffan, n'a pas hésité à enregistrer un Cd de grands airs d'Opéras Italiens, uniquement accompagnée d'un piano. L'exercice est suffisamment périlleux pour qu'on salue l'audace et la réussite d'une telle prestation.

Car il s'agit bien d'une réussite !"

Ensuite le monsieur (ou la madame) en question, se permet même de comparer les interprétations à celle de Bartoli ou Callas...  Je clique pour écouter "Ebben ne andro lontana" de la Wally, et là c'est le drame.... Est-ce une farce que ce site? Un complot commercial? Ce monsieur (ou cette dame) n'a-t-il pas d'oreilles? 

Je vous laisse juger : la version Sabine Steffan, plate, ou des notes sont zappées, ainsi que les appogiatures t où l'aigu est faux d'un demi-ton.

Cliquez là :    (non le gif ne vient de nous, mais du site)


La version que je préfère, Cristina Gallardo, pas besoin d'être Karajan pour voir que ce n'est pas le piano, ou la qualité du son qui disqualifie la version Steffan.



“Sabine Steffan non ha una voce, è una voce”
L. Pavarotti

.........

Une bonne Turandot est une Turandot qui ne hurle pas

Suite à mon dernier article sur Turandot à Vérone 2012, je vous propose un extrait du Turandot de la Scala de Milan en 2002, chanté (je dis bien chanté, puisque je reproche à 90% des Turandot de hurler) par Alessandra Marc. Garder une ligne aussi fluide, mélodique, tout en finesse dans le rôle de Turandot est ce qui sépare les artistes des brailleurs.





A comparer avec une brailleuse, Lise Lindstrom, d'ailleurs trop jeune pour le rôle.
Le rôle demande le volume, l'endurance et la puissance d'une vraie soprano dramatique
.




Volontairement, après ces deux comparaisons, je vous laisse écouter le top, et là, vous comprendrez vraiment la différence, et bénirez la vieille école :) , celle où on ne faisait pas chanter ceux qui "peuvent" mais ceux qui transcendent.

Birgit Nilsson

AMO - ArenaMuseOpera : un musée de l'opéra ouvre à Vérone

Autre point notable de notre séjour à Vérone, un musée destiné à l'opéra ! Plus particulièrement à l'opéra dans les arènes de Vérone. Cela n'a pas rendu la visite moins intéressante, au contraire !

Le musée à ouvert le 23 juin 2012, dans les murs du Palazzo Forti qui abritait une galerie d'art moderne. Il a été conçu sous la direction de Kikka Ricchio, directrice créative de Musicart, qui fait la promotion de la culture musicale mais pas seulement.

Le billet est à 10 euros, ou 5 euros sur présentation de votre ticket d'opéra dans les arènes.
Cela vaut vraiment le coup.

L'AMO a pour but de faire découvrir et mettre en valeur la culture de l'opéra italien. Pour cela, sont exposés de nombreux documents exceptionnels, présentés ludiquement ; partitions manuscrites, lettres, notes de grands compositeurs, mais aussi costumes, croquis de décors, photos...

J'ai été pour ma part très ému de voir une lettre de Verdi dans laquelle il explique en précision ce qu'il attend de la chanteuse qui chantera Amneris. Cela a renforcé la conviction chère à mon coeur, que l'on ne peut pas faire n'importe quoi sur scène et que la priorité est de servir l'oeuvre telle que le compositeur l'a voulu.

En entrant, on traverse une forêt peinte par Adolf Hohenstein, du Falstaff de 1983 du Teatro della Scala.

Le musée propose une visite en 7 clés essentielles, dans 15 salles : 

  • Le libretto : le premier travail est l'écriture du texte, on y voit des originaux
  • La partition : le compositeur écrit la musique pour le texte en question, des originaux de Puccini et Verdi entre tant d'autres
  • Les croquis : esquisse de décors, Aida, Rigoletto, Tosca...






  • Les décors : des anciens décors d'Aida, monumentaux








  • Les voix : une petite salle de cinéma aménagée dans un salon du palais nous passe les plus grands airs des plus beaux opéras filmés dans les arènes de Vérone. On est saisi, on entend parfaitement, et on se rend compte de l'excellence des artistes. 



  • Les costumes : pour finir, ils sont éclairés à merveille, et l'on voit bien, de près, que ce sont des oeuvres, et pas de la chiffonnette. 

Costumes de Ping Pang et Pong (Turandot)



Le directeur des arènes de Vérone, Francesco Girondino est heureux : "ce sera le premier musée du monde entièrement dédié à l'opéra".

La plupart des objets exposés proviennent de la collection privée de la famille Ricordi, librettistes et surtout éditeurs musical depuis des génération.


Pour passer un moment calme, bercé des plus beaux morceaux du monde, nourri de lettres, notes et dessins, c'est ici.

http://www.arenamuseopera.com/



"Turandot" aux arène de Vérone 2012

Nous étions à la première ! Nous avons vu toute la journée les décors monumentaux se mettre en place, autour de l'arène, insérés par des grues ! Ça promettait !





Le soir venu une belle ambiance, était là. Il faisait chaud, le ciel était parfait. Lorsque vous êtes placés dans les "stalls", le dress code est strict : tenue de soirée/cocktail. Bref, ici on tient à ce que l'on s'habille bien pour venir à l'opéra.



La représentation a commencé à l'heure. Ce soir là, les magiciens étaient les suivant :

DIRECTION MUSICALE
Andrea Battistoni

MISE EN SCÈNE, SCÉNOGRAPHE
Franco Zeffirelli

COSTUMES
Emi Wada

CHORÉOGRAPHIE
Maria Grazia Garofoli

LUMIÈRE
Paolo Mazzon


Carlo Ventre
Nous pensions que sans non plus coller des micros aux chanteurs (pratique faussant les voix, et ne permettant pas une comparaison équitable des capacités des artistes), il y aurait des micros le long de la scène pour amplifier le volume général, mais non, c'était du 100% nature.
Et c'était un peu dur pour les oreilles, en effet, du 15ème rang bien en face, ce qui correspond à la première moitié proche de la scène, le volume était insuffisant, et la musique ne nous pénétrait pas. Cela tend à transformer l'opéra en spectacle musical et théâtral. Je pense que la musique doit être appréciée à un certain volume minimal pour faire vibrer notre être, c'est sensoriel et physiologique.


Amarilli Nizza
Le Calaf, Carlo Ventre le ténor uruguayen, un bon ténor qui fait bien son boulot, très bien même. Mais ses aigus se perdaient un peu dans le vide, et ne nous atteignaient pas comme le ruban vif et net qu'une voix doit être.
 
Liù, Amarilli Nizza, la milanaise,qu'on aurait eu beaucoup de mal à imaginer en pure et dévouée Liù, mais qui a tenu le rôle avec perfection, et surtout, avec une grande finesse. Son son a percé les coeurs. Voilà une femme qui prouve qu'elle sait endosser un personnage à l'opposé.


Giovanna Casolla
Et enfin Giovanna Casolla, qui nous a mitigé dans sa Turandot. Turandot, allias "le tombeau de la voix" est un rôle très difficile à chanter. CHANTER. C'est pourquoi beaucoup le hurle (comme récemment Lise Lindstrom à Orange... ). Giovanna Casolla a hurlé beaucoup de passage, et façon pas terrible puisque sa technique était dévoilée aux oreilles de tous par un hoquêtement d'attaque au début de chaque phrase. Forcément, avec ce traitement, la redescente aux mediums était très faible et inaudible (comme Lise Lindstrom à Orange). Cependant, dans les passages calmes et aigus, on entendait la très jolie voix de Mme Casolla. A propos, Mme Casolla a 67 ans ! Ce qui malgré tout force le respect. De plus donner (ou prendre) Turandot avant 40 ans, est bêtise et orgueil (comme Lise Lindstrom à Orange) car c'est un rôle pour un soprano dramatique plus qu'à maturité. Et pour ma part, je me fiche des jeunes chanteurs qui ont la grosse tête de voir cela comme un défi. L'opéra n'est pas un défi pour sa propre tronche, mais un honneur vis à vis des volonté d'un compositeur.
Ce qui m'a marqué dans la mise en scène, c'est le manque d'émotion, de geste, d'amour.
Le choeur très nombreux est chorégraphié dans le moindre détail et rend une masse fabuleuse, mais les personnages principaux... sont raides, font des gestes de bras... Le fameux baiser était affreux. Comme si les artistes étaient coincés devant un pupitre plus ou moins mouvant, ils ne vivaient clairement pas leur personnage. Ces personnages étaient sans personnalité.
Le tant attendu "Nessun Dorma" a été interprété avec brio par Carlo Ventre. Si bien, que les applaudissements n'ont même pas laissé l'orchestre finir le morceau, ce que je trouve très irrespectueux pour ces magiciens cachés dans la fosse.
Et là... "BIS !! BIS !! BIS!!", le public en voulait encore. Est-ce l'effet post-Alagna? Le fait de faire toutes les notes de Nessun Dorma est-il un exploit à présent? Je crois que oui. Moi il m'en aurait fallu plus, plus de tripes, plus de vibrant, j'aurais voulu que Carlos Ventre soit Le Calaf avec tout ce que ça implique.
Ils ont rejoué l'air. Et j'ai vu que les gestes de M. Ventre étaient exactement les mêmes. Pas de place à l'instinct.


Les décors et la dynamique générale auront été spectaculaire. Ca oui. Les costumes également. Une perfection. Bravo.
L'artiste la plus acclamée ce soir aura été Amarilli Nizza pour sa Liù. Comme quoi ce n'est pas forcément le rôle le plus long, le plus difficile et le plus présent sur scène qui peut marquer les coeurs, mais celui interprété avec le plus de sensibilité et de finesse. La voix de Nizza était comme un fil d'argent perçant la nuit au dessus des envolées de violons.

La soirée a été magique, et l'envie de revenir est là. Mais dans les tous premiers rangs, c'est sûr!