Il s'agit de http://lecolefrancaisedechant.unblog.fr/ qui se présente lui-même comme ceci :
"Ce blog a été créé par des artistes et des auteurs las du misérabilisme
où se trouve réduit l'art vocal en France, las des contrevérités, des
omissions, voire de l'ignorance, émises et étalées par des médias et des
responsables dits culturels.
Il n'est pas question, évidemment, de vouloir tout changer, de critiquer
sans mesure et cette page n'aura pas le pouvoir de rétablir, hélas, le
chant et autres spectacles vivants aussi mal lotis à son plus haut
niveau : à l'impossible nul n'est tenu
.
Cette page répond seulement à un impérieux besoin d'informer là où sévit
la désinformation et s'adresse à tout public : musiciens, passionnés du
bel canto, ainsi que de l'art et des lettres en général."
Je l'ai découvert en tombant sur l'artible "Le règne des impostures" , que j'ai trouvé si juste, et que je me permets de partager ici pour donner envie d'aller voir le reste :
"Où les impostures sont reines, le gaspillage est roi.
Tel est le cas dans le domaine que nous défendons : l’Ecole française de Chant. Ne nous leurrons pas, les stars
médiatisées ne servent qu’elles-mêmes et ceux qui les promeuvent ;
elles ne sont pas des locomotives dans un pays qui a sabordé ses
chanteurs lyriques. Où se formaient ceux qui ont fait la gloire de notre
Ecole de Chant ? Au sein des troupes. Il y en avait partout des
troupes. Aussi des concerts magnifiques dans les églises, non seulement
les parisiennes. Le répertoire d’oratorio s’y déploie avec
bonheur, même si souvent l’acoustique en est mauvaise : le caractère
idiomatique du lieu pallie beaucoup de défauts et le genre porte à la
méditation. E. T. A. Hoffmann (oui, oui, celui des Contes) était
de cet avis. Il y a vingt ans, moins d’une génération, ces concerts
étaient courus et les artistes étaient portés par l’enthousiasme du
public. Aujourd’hui, il y a souvent plus de monde à l’orchestre et dans
les chœurs que dans l’église elle-même : quelle joie de jouer et de
chanter pour des chaises vides ! D’où dégoût général des interprètes, on
peut s’en douter.
Dans
les théâtres, plus de troupes de chanteurs lyriques, là pourtant où
tous nos modèles ont appris leur métier : nous tairons les noms, chacun
les connaît.
Tout
le monde était fier de ces artistes, ce qui n’empêchait pas d’aimer le
sport, d’en pratiquer : il est vrai que le matraquage télévisuel à
l’heure de la démocratie à pensée unique, fric en tête, bling-bling à la rescousse et principe de précaution à la KGB n’existait pas et que la télévision s’était donné une tâche didactique qu’elle remplissait à merveille. Ce temps n’est plus…
Revenons
plus spécifiquement aux chanteurs lyriques : donc, plus de troupes,
beaucoup de théâtres fermés ! Quant à ceux qui existent toujours, ils se
survivent, avec des directeurs « en régie », payés (planqués) quoiqu’il
advienne (alors qu’au temps jadis les théâtres en concession
obligeaient les directeurs à un résultat, sinon ils crevaient de faim)
et donnent par an le nombre de représentations que l’on donnait par mois
il y a encore une trentaine d’années. Et cela avec des mises en scène
de gens en place qui prônent la laideur et se foutent pas mal de la
musique, du texte, du contexte de la création de l’œuvre, des
contraintes physiologiques du chant, etc. Enfin, tout le monde sait
cela, tout le monde s’en plaint, c’est le contribuable qui paie, ça
coûte cher à tous, et ça continue… Et tout ce monde de
pseudo-intelligents (nous n’osons pas dire intellectuels, tant ce mot
est devenu une injure) prend des mines, jacte sans cesse dans les
machins audio-visuels, fait écran à ceux qui auraient quelque chose à
dire, enfin vous nous aurez compris…
Parallèlement,
observons que notre Université baisse sa culotte jusqu’au moment où
elle n’en aura plus. Vous savez, bonnes gens, que nos étudiants ne sont
plus confrontés à l’exigence de la Thèse d’Etat et que les
professeurs « harmonisent » les notes lors des examens, ce qui veut dire
en clair que ces professeurs ne sont pas libres de leur notation mais
doivent satisfaire aux moyennes nationales.
Cela est une chose que peu de personnes connaissent : il faut que ce soit su !
Revenons à notre Ecole française de Chant :
bien malade en vérité ! D’où cela peut-il venir ? Non du manque de
voix, car chaque génération possède, en principe, sa part où chacun peut
faire valoir son génie propre. Il est vrai que les populations
décervelées par l’audiovisuel niveleur, par les écrans qui n’offrent
qu’un horizon limité, par les « principes de précaution » et autre
panique devant le risque permanent que présente le seul fait de vivre,
ne se donnent pas le temps de s’extraire de ces charniers de
l’intelligence pour oser être ce qu’elles sont. Il existe heureusement
des exceptions qui sont condamnées au silence si un lobby ne
s’emparent pas d’elles, ces exceptions, pour les « formater » au goût de
la tomate américaine, sans odeur, sans saveur, juste conçue pour
ressembler à une tomate bien plus belle que celle qui va pousser dans
notre potager !
Nous
vous la faisons courte : l’enseignement est désastreux et toutes les
« Ecoles de Musique », ou ce que l’on nomme telles, fabriquées « pour
favoriser la pratique amateur » (je ne parle ici que du chant) devraient
fermer des classes qui ne servent à rien et coûtent les yeux de la tête
au contribuable. Cela permet aux planqués et aux usurpateurs d’avoir
des places rémunérées, pas très bien, mais rémunérées quand même, en
attendant la sacro-sainte retraite, comme si un artiste était jamais à
la retraite. Les généraux ne le sont jamais, eux.
Nous
connaissons tel ou telle qui ne doit sa réputation que pour s’être mis à
la remorque d’un artiste justement célèbre par des moyens que n’eût pas
reniés Laïs : la voix est horrible, l’érudition nulle, l’allure
commune, mais les élèves se précipitent à des leçons qui ne leur
apprennent rien parce qu’ils savent que l’artiste-justement-célèbre
n’est pas loin et pourra rédiger de bonnes lettres de recommandation,
bien que l’artiste – etc. n’en pense pas un mot, mais par habitude,
peut-être par mollesse au souvenir d’ébats sexuels passés ou pour
échapper à l’enfer de la scène de pseudo-ménage ! Cela est banal, me
direz-vous, et existe depuis toujours. Citons la grand-mère d’un de nos
amis : « L’amour est aveugle et le trou-du-cul est borgne ! » Sagesse de
nos campagnes.
Quand
on voit ce tableau navrant, l’envie est forte de baisser les bras. La
médiocrité, voire la nullité, triomphe. Un riche mécène favorise
l’enseignement dans notre pays d’un calamiteux ténor des Amériques,
alors que nous avons encore de grands maîtres presque silencieux par la
force de l’ignorance mêlée au pognon, à la politique et à la sexualité
vénale. Nous n’avons rien contre le mélange des genres, mais pas au
détriment d’un art qui se meurt. Il n’est pas encore mort : il y a des
îlots de résistance où seul demeure l’amour de l’art, malgré des budgets
saignés à blanc et les diktat(s) des petits chefs.
En
lieux dit hauts, c’est une catastrophe nourrie par l’ignorance et le
manque du plus élémentaire bon sens (qui n’est pas « la chose du monde
la mieux partagée », mon pas-du- tout-cher Descartes). En dévalant la
pyramide de cette hiérarchie d’incapables, la dégringolade mortifère
s’accélère et mine les fondations : c’est un phénomène physique
admirablement relayé par ce qu’il est convenu d’appeler « l’esprit
humain. »
L’Ecole française de Chant est dans la ligne de la Chronique d’une mort annoncée
(Garcia Marquez, pour ceux qui ne sauraient pas). Exemple de
l’inculture générale : ce matin, nous appelons la FNAC pour savoir s’il
existait en DVD le Falstaff et l’Othello, films d’Orson
Welles : nous tombons sur ce qu’on nomme plate-forme, ces machins que
vous connaissez où, comme des débiles, on répète vingt fois la même
chose à des machines ; une voix suave répond enfin pour demander ce qui
venait de lui être dit vingt fois… A l’évocation de nos deux bonshommes
dont « on cause » quand même depuis le XVIe siècle, on s’entend demander
comment ça s’écrit (« épeler » n’est plus d’usage) et de dire les
titres un par un. La propriétaire de la voix suave n’a toujours pas
compris. Nous explosons : « Mais enfin, ce sont des personnages de
Shakespeare, tout le monde sait cela ! » ce qui a attiré la réponse :
« J’ai quand même d’autres chats à fouetter ! » Pauvres bêtes !
Voilà, ô peuple, où nous en sommes. Pleurons sur l’Ecole française de Chant,
pleurons sur l’école tout court, pleurons sur l’Université, pleurons
sur la perversité des temps, pleurons sur la mort de l’art. Nous
n’aurons bientôt plus de larmes, plus d’yeux pour pleurer non plus :
même cela on nous l’aura volé, grillés qu’ils seront aux écrans
ubiquistes. Hélas ! Trois fois hélas !
Pour croire encore en quelque chose, il faut avoir la foi du charbonnier…"
Gabriel Bacquier et Sylvie Oussenko, le 17 juin 2010
Je remercie ces auteurs de l'avoir dit aussi bien. Ils me font penser à mon cher maître de chant, qui m'a appris la grandeur, le perfectionnisme, la difficulté, la Grande Ecole.
Je les ajoute dans nos liens préférés, les suivrai passionnément et ferai tourner biensûr ! Car la bonne parole doit se répandre.
J'espère qu'à Vera Voce, nous serons le digne petit frérot de ce grand blog, en nous adressant à ceux qui sortent de l'oeuf.
Gabrielle.